L’Autriche adopte une approche bien à elle face au cannabis : elle sanctionne durement le trafic, mais tolère son usage personnel dans certaines limites. Pendant que l’Allemagne légalise, l’Autriche observe, ajuste ses règles et développe activement une économie autour du CBD et du chanvre.
L’Autriche décriminalise l’usage personnel tout en pénalisant le trafic
Depuis janvier 2016, les autorités autrichiennes ont cessé de poursuivre pénalement les personnes en possession de petites quantités de cannabis. À la place, elles infligent des amendes ou imposent des mesures de santé. Cette stratégie traite la consommation comme une question de santé publique, et non comme un crime. Cette réforme distingue clairement l’usage personnel du commerce illégal.
Les Autrichiens peuvent cultiver des plants de cannabis tant qu’ils ne fleurissent pas et que leur teneur en THC reste inférieure à 0,3 %. Les grow shops vendent donc graines et clones légalement, à condition de ne pas promouvoir un usage psychoactif. En revanche, la vente ou le trafic reste un crime puni de lourdes peines (Cannabis in Austria).
Le pays n’autorise toujours pas les clubs sociaux de cannabis, et aucune source officielle ne confirme leur reconnaissance juridique.
Le cannabis médical reste légal mais difficile d’accès
Depuis 2008, les médecins autrichiens peuvent prescrire du cannabis médical, mais uniquement sous forme de préparations standardisées : Dronabinol, Sativex ou Nabilone. Ils n’ont pas le droit de prescrire des fleurs séchées.
Les médecins ne prescrivent ces traitements qu’après l’échec d’alternatives conventionnelles. De plus, les assurances ne remboursent que rarement ces produits, ce qui empêche de nombreux patients d’y accéder. L’Autriche dépend intégralement des importations pour son cannabis médical.
Les entreprises autrichiennes investissent massivement dans le CBD
Le marché du CBD s’est développé très rapidement. Les entreprises vendent librement des huiles, cosmétiques et compléments à base de cannabidiol, tant que le taux de THC reste en dessous de 0,3 %. Cependant, ces produits doivent impérativement respecter la réglementation européenne sur les « nouveaux aliments« , ce qui restreint leur emploi dans l’agroalimentaire.
Les vendeurs commercialisent aussi des fleurs de CBD, mais certains se retrouvent confrontés à des litiges liés à la taxe sur le tabac et au monopole national sur les produits fumables.
Chaque année, les acteurs du secteur se réunissent à la Cultiva Hanfexpo à Vienne, l’un des salons les plus importants en Europe sur le chanvre. L’événement rassemble des experts du textile, de l’alimentation ou de la construction autour des applications innovantes de cette plante (Cultiva Hanfexpo).
Des associations défendent une réforme plus humaine
Plusieurs organisations réclament une législation plus juste. ARGE CANNA, par exemple, milite activement pour que les patients puissent cultiver eux-mêmes du cannabis à des fins thérapeutiques. Elle appelle aussi à légaliser les fleurs médicales dans les pharmacies.
Health Europa décrit l’action d’ARGE CANNA comme un plaidoyer pour une politique fondée sur la science et les droits des malades.
Le chanvre industriel structure l’économie légale du cannabis
Les agriculteurs autrichiens cultivent du chanvre industriel depuis de nombreuses années. Après une croissance régulière, les surfaces plantées ont chuté à moins de 1 500 hectares en 2022. Ils utilisent principalement les graines et la paille, mais certains exploitent aussi les fleurs riches en CBD.
Le marché du CBD continue d’évoluer, avec une offre abondante et une demande soutenue, bien que les chiffres précis restent rares.
L’avenir du cannabis en Autriche dépend de ses voisins et de l’Europe
La légalisation du cannabis récréatif en Allemagne met l’Autriche face à une pression croissante. Comme l’explique le European Drug Report 2024, plusieurs pays européens testent de nouveaux modèles de régulation.
En Autriche, le débat reste vif. Les partisans de la réforme évoquent les bénéfices économiques (fiscalité, emplois) et les enjeux de santé publique (réduction du marché noir, qualité des produits).
Mais le pays doit aussi tenir compte de ses engagements internationaux, notamment les traités de l’ONU sur les drogues, qui limitent l’usage du cannabis à des fins médicales ou scientifiques.
Conclusion
L’Autriche tente de concilier contrôle strict du trafic, dépénalisation modérée de l’usage, et essor économique du CBD. Si la pression politique et économique s’intensifie, elle pourrait bientôt revoir sa politique, en élargissant l’accès au cannabis médical ou en expérimentant une légalisation plus large, à l’image de ses voisins européens.